Nicaragua

Nous avons traverser le Nicaragua à vélo pendant les fêtes de Noël, de León à Ometepe. Un pays qui nous a surpris et où nous aimerions retourner !

Le câble de dérailleur d’Elisa casse 20 kilomètres avant la frontière Honduras-Nicaragua. L’avantage du moyeu Rohloff c’est qu’on peut changer les vitesses manuellement avec une clé. L’inconvénient, c’est qu’il faut s’arrêter avant et après chaque bosse pour faire le réglage. Nous nous trainons donc jusqu’à la frontière, où nous devons encore attendre 3h pour obtenir notre tampon de sortie du Honduras. Il nous reste encore 120km à parcourir pour arriver à León à temps pour Noël. Zach part devant et Elisa et moi optons pour le stop. Nous montons dans un vieux camion et en quelques minutes seulement nous rattrapons et récupérons Zach, qui était pourtant parti une heure avant nous. C’est fou à quel point la notion de temps et de distance peut varier selon le moyen de transport. León qui nous paraissait si loin, est finalement rejoint en quelques heures seulement.

Première impression

Le contraste entre le Nicaragua et les pays précédents est assez marquant. Si le Honduras était également très pauvre, on y trouvait tout de même des petites tiendas en bord de route avec de la musique beaucoup trop forte, des stands de nourriture où l’on pouvait se ravitailler en eau potable et probablement les meilleurs tortillas d’Amérique centrales, larges et souples, certainement à base d’un mélange de farines de blé et maïs. Au Nicaragua, rien de tout ça. Traverser cette frontière c’est un peu comme voyager dans le temps : moins de voitures, plus de chevaux. Et plus tellement de ces petits stands de nourriture variés que l’on trouvait depuis le Mexique, et qui ponctuaient d’un peu de fraicheur et de divertissement la monotonie torride de la panaméricaine.

Changement de point de vue : la route depuis la cabine du camion qui nous a pris en stop

Noël à León

Notre première étape est León, ville coloniale un peu délabrée et chaotique. Pour la petite anecdote, la capitale du Nicaragua a souvent changé jusqu’au milieu du 19e siècle, entre León (préférée par les progressistes) et Granada (préférée par les conservateurs). Pour mettre les deux camps d’accord, il fut décider de fonder Managua à mi-chemin entre les deux, qui est toujours la capitale actuellement. À León on sent le poids de l’histoire récente : c’est d’ici que sont parties les révolutions et l’on retrouve le même genre de propagande révolutionnaire qu’à Cuba, le même mélange d’architecture coloniale et soviétique, deux styles qui me plaisent pour leur côté grandiloquent et un peu anachronique.

Nous arrivons en pleine période de Noël et comme partout depuis le Guatemala, les rues sont décorées de flocons géants, de sapins enneigés et de pauvres pères Noël qui doivent mourir de chaud dans leurs vêtements d’hiver. La place centrale se couvre de stands de jouets en plastiques multicolores et de nourriture « festive » : poulet frites, raspados (glace pilée mélangée avec de la confiture et du dulce de leche), coca-cola, chocobananos (banane congelée trempée dans une sauce au chocolat et saupoudrée de morceaux de cacahuètes) et de plantains frits. Niveau nourriture, ce n’est pas aussi pire que Cuba mais ça reste très pauvre et simple. On trouve aussi des stands de fruits « exotiques » : pommes, poires et raisins, importés d’Europe, des Etats-Unis ou du Chili. Des produits de luxe ici : une unique pomme coûte l’équivalent de plusieurs kilos de bananes. Ça nous rappelle les histoires de nos anciens, qui recevaient une orange d’Espagne ou d’Italie à Noël, fruits exotiques à l’époque et qui nous paraissent tellement proches aujourd’hui.

Cette petite pause urbaine et festive après notre traversée du Salvador et du Honduras nous motive à avancer. Nous avions prévu de faire un peu de tourisme au Nicaragua, mais les villes sont trop proches les unes des autres et après quatre jours à León nous avons juste envie d’avancer. Nous décidons de tracer directement vers Ometepe, au sud du pays, île enchanteresse au milieu du lac Nicaragua dont tout le monde nous parle. Granada et les volcans seront pour un autre séjour.

Ometepe

Ometepe vue depuis le volcan Maderas

Ometepe, comme son nom l’indique (« deux montagnes » en nahuatl) est composée de deux volcans côte à côte au milieu du lac Nicaragua, troisième plus grand lac d’Amérique Latine. Sa forme rappelle au choix le chiffre 8, ou de manière plus poétique, le symbole de l’infini, puisque le temps y est encore cyclique, s’écoulant au rythme immuable des jours et des saisons. Une forme qui évoque également le yin et le yang et rappelle l’équilibre qui règne ici : un volcan de feu et un volcan d’eau, un versant frais et exposé au vent du large et un autre chaud et abrité, aux couchers de soleils magnifiques. On rejoint Ometepe après une traversée d’une heure en ferry depuis Rivas. Et comme souvent avec les îles et bien que l’on ne s’en rende généralement pas compte lors du voyage aller, cette traversée fait l’effet d’un changement de dimension. Le temps passe à un rythme différent. Les voitures étant pratiquement absentes, tout est plus lent, au rythme des chevaux, de la marche, des vélos et du bus brinquebalant qui passe deux fois par jour.

Le climat de l’île lui aussi est particulier. Ces deux volcans couverts de végétation culminant à 1600m d’altitude au milieu d’une masse d’eau douce immense bloquent l’humidité balayée par la brise fraîche du lac. Leurs sommets sont presque toujours dans les nuages et cette combinaison d’ombre et de vent rend le climat particulièrement doux et agréable comparé à la chaleur torride du continent.

La population d’Ometepe vit encore de manière assez traditionnelle. La vie est rythmée par les saisons : lors de notre passage, la récolte des haricots rouges touchait à sa fin. La banane plantain est traditionnellement la principale ressource économique de l’île, mais depuis quelques années, le tourisme l’a rejoint. Au plus grand bonheur des habitants, qui y voient un moyen de compléter leurs revenus : l’agriculture bat son plein en saison humide, le tourisme en saison sèche. Encore un bel exemple de l’équilibre qui règne ici. Ce qui est beau, c’est que le tourisme à Ometepe est un éco-tourisme plutôt bien intégré. Les étrangers qui viennent ici recherchent surtout cette connexion à la nature, cette vie simple au rythme des saisons plutôt que le confort d’un all-inclusive au bord de l’eau. Et les étrangers qui s’y installent et développent des projets touristiques le font également de manière plutôt bien intégrée à cet environnement si particulier. Et c’est tant mieux. Si le tourisme sur l’île (et au Nicaragua en général) est très certainement amené à se développer fortement dans les années à venir au vu des richesses naturelles du pays, j’espère qu’il continuera sur cette voie plutôt que de suivre celle prise par ses voisins du Salvador et du Costa Rica.

Ometepe est un vortex, un trou noir qui aspire tous les voyageurs. Tous ceux que nous connaissons qui y sont passé sont restés plus longtemps que prévu. Voire, pour certains, s’y sont installé. Et pour être honnête, nous y avons pensé. Allan, notre premier hôte nous a bien vendu son territoire et nous étions à deux doigts d’acheter une parcelle en friche, d’y construire une cabane, planter des fruitiers et passer les mois ou années suivantes à regarder le temps passer. Un peu comme Lukas, notre second hôte. Un ancien backpacker allemand, arrivé ici complètement par hasard. Il était sur l’île en mars 2020, quand les frontières se sont fermées. Plutôt que de rentrer se morfondre en Allemagne il a acheté un bout de marécage insalubre pour une bouchée de pain et a passé les mois suivants à drainer le terrain, planter des arbres, construire des cabanes au bord de l’eau qu’il loue aujourd’hui et dont les revenus lui permettent de passer une partie de l’année dans ce petit paradis. Nous aurions voulu rester plus longtemps à Ometepe, mais l’opportunité d’effectuer la traversée du Panama à la Colombie à la voile s’est présentée et nous avons décider de la saisir, même si cela impliquait de nous arracher à contre-coeur de cette île paradisiaque.

À l’aller, Rivas et plus encore Moyogalpa (le port et principal village de l’île) nous paraissaient être des petites villes bien tranquilles. Au retour, nous nous sommes sentis submergés par la foule, la circulation, le bruit et le stress de ces endroits. C’est certains, nous retournerons un jour à Ometepe et au Nicaragua.

Le laissez-passer A38

Malheureusement, si le gouvernement du Nicaragua a fait beaucoup de bonnes choses pour le pays et ses habitants depuis les années 80, cette dernière décennie l’a vu glisser vers un mode de gouvernement plus autoritaire. Manifestations réprimées, censure de la presse… Ce qui rend assez ironique les canadiens fuyant la « dictature communiste » de leur pays pour venir s’installer dans cet éden de liberté. Pour nous autres voyageurs, cela se traduit de plusieurs manières. Jusqu’à récemment, il était interdit d’entrer dans le pays avec du matériel photographique, et si cette contrainte a été levée, les drones restent interdits. Les bagages sont passés aux rayons X à l’entrée et à la sortie du pays. On nous a également demandé quel était notre métier. Pour les personnes déclarant un quelconque métier en rapport avec l’image (journaliste, photographe, expert en communication etc), cela peut engendrer des complications voire un refus d’entrée sur le territoire. Comme à Cuba, mais dans une mesure un peu moindre, j’ai ressenti une forme d’absurdité dans l’administration. Comme le fait de devoir payer à quatre guichets différents pour prendre le ferry pour Ometepe (droit d’entrée sur le port, puis billet du ferry, puis taxe sur le billet, puis droit de transporter les vélos). Ou les ordres parfois absurdes donnés par certains policiers, auxquels il vaut mieux juste obéir même s’ils n’ont a priori pas trop de sens. Comme cet agent qui m’a demandé de faire demi-tour et un détour de plusieurs centaines de mètres parce que je n’avais pas le droit de passer par une rue en travaux pour des raisons de sécurité, alors que j’étais déjà au bout de la rue et que les ouvriers étaient en pause déjeuner. Nous avons entendu cette phrase qui résume un peu tout : « dans ce pays, c’est facile d’avoir des problèmes, mais c’est tout aussi facile de les éviter ». Avec un peu de patience, de calme et de discrétion, tout s’arrange toujours.

Cet article vous a plu ? N’hésitez pas à nous faire un petit retour en commentaire ci-dessous. Le prochain article évoquera nos aventures et mésaventures au Costa Rica.

À bientôt !

4 réponses sur « Nicaragua »

T’as vraiment intérêt à lâcher prise après ces réflexions de policiers, sinon tu finis avec un ulcère…mais du coup, il y a des anecdotes à raconter, jéjé. Comme en alimentation, c’est assez fou de trouver plus de fruits d’importation que de fruits tropicaux . Ma copine cubaine vient de passer une semaine à Mexico, elle me racontait que trouver à manger était encore plus compliqué que pendant la pandémie. Le citron et l’oeuf ont vu leur prix multiplié par 100 en un rien de temps. La folie. Carence en médicaments, n’en parlons pas. Du coup, on a rempli le caddie du super-marché et sa valise vide est repartie pleine.
Les photos sont splendides, la nature, l’ambiance…
Courage pour la suite…
Un abrazo fuerte a los dos 🤗

Merci Claire 🙂

Pour le coup au Nicaragua on trouvait pas mal de fruits et légumes locaux, mais pas toujours d’excellente qualité : stockés en pleine chaleur, ça tourne vite… mais c’était quand même meilleur et plus varié qu’à Cuba !

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