Yukon

Pour beaucoup de Canadiens, le Yukon évoque un territoire sauvage, de grands espaces propices à l’aventure dont les rares habitants doivent forcément être rendus un peu fous par les nuits interminables de l’hiver, les jours sans fin de l’été, la solitude et les moustiques. Pour nous autres européens, le Yukon évoque la ruée vers l’or et les romans de Jack London peuplés de loups, de pionniers scorbutiques et brutaux qui côtoient la mort au quotidien. Un pays où il fait froid, très froid. Tout cela est vrai… En partie.

Forêts, toundra, rivières et lacs

Quand on imagine le Yukon, on pense à des forêts à perte de vue, ponctuées de lacs et de rivières, le tout recouvert par une épaisse couche de neige une bonne partie de l’année. En réalité, les paysages du Yukon sont relativement diversifiés : si les forêts de pin recouvrent effectivement une bonne partie du territoire, on y trouve également des montagnes d’altitude variées. C’est à l’ouest du Yukon que se trouve Kluane, le plus haut sommet du Canada et le deuxième plus haut d’Amérique du Nord après le Denali, situé juste de l’autre côté de la frontière, en Alaska. Si l’hiver est effectivement long (d’Octobre à Avril), il est habituellement assez sec, avec une couche de neige peu épaisse. Le Yukon fait partie d’une région nommée Beringia, qui inclut également une partie de l’Alaska et du nord-est de la Russie. Lors de la dernière ère glaciaire, Beringia avait un climat trop sec pour être couverte de glace et une végétation particulière s’y est développée. On trouve donc dans le Yukon des plantes qui n’existent nulle part ailleurs.

Ce territoire grand comme la France et peuplé de 40 000 habitants seulement est parcouru de nombreuses rivières. Autrefois, ce sont ces rivières qui servaient de routes : on s’y déplaçait en canoë puis en bateau à vapeur l’été, et en traineau à chien l’hiver. Lorsque l’industrie minière s’est développée, des routes ont été créées pour exporter plus facilement l’or, le cuivre et les autres minerais. Le réseau routier est donc peu développé. Pour aller d’un point A à un point B, il existe deux alternatives : l’unique route, ou la rivière. Pas de petites routes de campagne : il n’y a pas de campagne. Seulement des villes minières poussant et disparaissant comme des champignons au milieu du bush, dont la population croit ou décroit selon l’abondance des filons. À vélo, c’est parfois un peu frustrant. Heureusement, les highways sont généralement peu fréquentées et les conducteurs plutôt respectueux.

Chechakoos et sourdoughs

Le Yukon est peuplé depuis des millénaires par des amérindiens et quelques inuits, vivant de chasse, de pêche et de cueillette, dans une relation plutôt harmonieuse avec leur environnement. Chaque prélèvement devait être compensé par des offrandes à la nature, et chaque partie des animaux tués étaient utilisées, de la viande jusqu’aux arrêtes des poissons et aux aiguilles des porc-épics. Un mode de vie zéro déchets avant l’heure, et une éthique leave no trace (« ne pas laisser de traces ») bien ancrée.

Au 19e siècle, les premiers blancs débarquent. Ce sont d’une part des missionnaires catholiques, majoritairement francophones, qui cherchent à convertir et « éduquer » les amérindiens, et d’autres part les trappeurs de la compagnie de la Baie d’Hudson, qui viennent acheter des peaux d’animaux aux premières nations. Puis à la toute fin du 19e, des pépites d’or sont découvertes dans le Klondike, affluent du Yukon, à proximité de Dawson City. C’est la première ruée vers l’or. 40 000 personnes, majoritairement venus de Californie, débarquent à Skagway, franchissent le col de Chilkoot et s’installent dans des tentes et cabanes autour de Dawson City. La plupart rentrent bredouille, les moins chanceux meurent de froid ou du scorbut et quelques uns feront fortune. C’est le véritable début de la colonisation du Yukon.

Depuis cette époque on distingue les habitants blancs du Yukon en deux groupes : les chechakoos, nouveaux arrivants, et les sourdoughs (en français : « levain » ou « pâte fermentée »), qui sont toujours là après avoir passé au moins un hiver. Les chechakoos aujourd’hui, ce sont nous et les autres touristes, majoritairement allemands, québécois et américains, ainsi que les nombreux saisonniers qui travaillent dans le tourisme. Les sourdoughs, ce sont ces habitants qui encore aujourd’hui viennent majoritairement pour travailler dans les mines, ou pour le gouvernement à Whitehorse. Des femmes et des hommes indépendants, débordant de vitalité, comme Martha, infirmière originaire de Terre Neuve, qui a passé sa vie à soigner les Inuits du Nunavut à Tuktoyaktuk et continue à s’occuper des Yukoners malades malgré ses 70 ans. Comme Dieter, qui après avoir passé 15 ans à explorer le monde à vélo, gère maintenant l’hostel de Dawson City. Ou comme Susan et sa famille choisie, groupe de femmes indépendantes de Whitehorse qui prouvent que le VTT, le ski et le fatbike hivernal ne sont pas des activités réservées aux hommes.

Le décalage entre la capitale, plutôt riche, assez hipster et écolo, et les petites villes perdues dans le bush ou les gens vivent de débrouille et de chasse est assez saisissant. La population est un véritable melting pot d’anglophones, d’amérindiens, de francophones et de migrants originaires d’Allemagne, d’Asie ou d’ailleurs. Mais qu’ils soient des hipsters endurcis de Whitehorse qui se déplacent à vélo toute l’année, des rustres un peu bushed, des post-hippies ou des amérindiens loins de tout à Old Crow, tous les habitants du Yukon que nous avons rencontrés ont un commun une passion pour la nature, des personnalités marquées et un véritable esprit d’entraide et de solidarité, qui les rends incroyablement attachants. Comme Bob et Martha, qui nous ont invités chez eux à Faro, nous ont fait goûté à la viande de l’orignal tué par le fils de Bob, chasseur professionnel. Puis nous on emmené à un barbecue communautaire, où tout le village ou presque était présent pour commémorer avec bienveillance et humour un événement traumatisant ayant eu lieu dans la communauté l’année précédente.

Fermentation

Malgré un « été pourri » et un véritable enfer de moustiques, le Yukon nous a marqué positivement. Nous reviendrons certainement un jour explorer à nouveau ce territoire, retrouver ces personnes que nous avons rencontré et qui nous ont inspiré. Découvrir ce pays à d’autres saisons : les couleurs de l’automne quand les buissons se couvrent de baie, que les ours sortent des bois et qu’il est temps de faire les provisions pour l’hiver. L’hiver justement, ses aurores boréales et son froid mordant. Bref, découvrir plus en profondeur ce territoire, pourquoi pas de façon sédentaire, en canoë ou dans le cadre d’une expédition dans le bush. En tout cas autrement qu’à vélo. : il y a bien plus intéressant à faire au Yukon que de pédaler sur les highways.

Canol Road

Canadian Oil

La Canol Road est une route d’exploration construite par l’armée américaine en partenariat avec le Canada pendant la seconde guerre mondiale. Les américains, craignant une attaque japonaise sur la côte de l’Alaska, mirent en place un projet d’approvisionnement en pétrole passant par le Canada. L’objectif était de relier les puits de pétrole de Norman Wells, dans les territoires du Nord Ouest, à la raffinerie de Whitehorse par un pipeline. Canol est l’abréviation de Canadian Oil, le pétrole canadien. Une route fut donc construite pour relier les deux sites, mais la fin de la guerre entraina l’abandon du projet, trop coûteux pour être justifié en temps de paix. La route fut abandonnée, puis reprise dans les années 50-70 pour explorer de nouveaux sites de forage. Aucun n’ayant été trouvé, la route fut laissée en l’état. Le territoire du Yukon continue à la maintenir l’été, pour des besoins principalement touristiques : Quiet Lake, à quelques kilomètres de l’extrémité sud, est un départ populaire pour des itinérances en canoë, et la vallée de la Lapie, au nord, est un territoire de chasse. Côté Territoire du Nord Ouest, le gouvernement ne maintient plus la route, qui ressemble plus à un trail, avec des franchissements de rivière non aménagés nécessitant potentiellement un packraft. C’est Cody, un aventurier américain rencontré à Inuvik qui nous a parlé de cette route. Cody avait pour projet de rallier Norman Wells à Whitehorse. Il a malheureusement du faire demi-tour avant d’entrer dans le Yukon à cause d’un feu de forêt. Peu de gens réussissent à terminer l’intégralité de la piste. Notre projet est beaucoup moins ambitieux : nous nous contenterons de rallier Ross River à Whitehorse par la South Canol. 224km seulement, mais avec un dénivelé assez conséquent, des pentes le plus souvent au dessus de 10% et une piste rarement en très bon état. Les gros pneus ne sont pas un luxe ici. Pour couronner le tout, pas de ravitaillement possible : obligation de transporter toute notre nourriture pour la Canol, mais aussi pour les 3 jours d’approche depuis Carmacks sur la Campbell Highway. Soit une semaine de nourriture au départ.

Into the wild ?

Bien que nous soyons sur la route réputée la plus reculée du Yukon, à aucun moment je ne me sens plus isolé que dans certains endroits Europe. C’est presque décevant. Déjà, il y a une route. On y croise autant de monde que dans les sierras ibériques ou dans le Vercors, c’est à dire quasiment personne. Un humain par jour, tout au plus. Autour de cette route, il y a des bornes kilométriques, des panneaux de signalisation et même des zones de camping, non gardées mais avec des poubelles, des toilettes et même du papier. Le niveau d’aménagement est donc supérieur à celui d’une piste équivalente en Europe. On rencontre peu d’humains et pourtant leur présence est presque envahissante. Chaque panneau de signalisation ou presque porte les stigmates des coups de feu reçus. Chaque kilomètre est souillé de déchets, canettes vides en tête. Chaque heure qui passe est interrompue par le ronronnement d’un avion. Même les traces d’animaux nous rappellent à la civilisation : on a beau être au pays des ours, il y a plus d’empreintes de sabots ferrés que de déjections de nos amis mangeurs de baies.

En fait, ce qui nous rappelle notre éloignement, c’est surtout nos sacoches lestées d’une semaine de nourriture et la certitude qu’en cas de pépin physique ou mécanique, nous ne pourrons compter que sur nous même pendant plusieurs heures avant que quelqu’un vienne nous tirer de là. Pas le droit de merder, c’est ce qui rend concret cet isolement, même si le gendarme francophone croisé à Ross River s’est voulu rassurant en nous rappelant qu’en cas de problème, nous ne serions pas les premiers qu’il viendrait dépanner sur cette route. Malgré ces paroles, il n’est pas question que nous n’allions pas au bout. Pour cela, c’est simple : il faut avoir un matériel adapté, en bon état de fonctionnement. Avoir un minimum de connaissances sur l’environnement à explorer. Savoir gérer une rencontre avec un animal sauvage. Choisir une nourriture adaptée, en bonne quantité, pouvoir la transporter et la protéger des animaux. Filtrer l’eau avant de la boire. Privilégier la sécurité à la prise de risque, que ce soit en roulant, au camp ou à tout autre moment de la journée.

« Sur la Canol Road, c’est juste toi et le bush », nous avait dit cet amérindien croisé sur la Campbell Highway. La piste étroite s’enfonce à travers les bois, traverse le Lapie Canyon, monte au dessus de la limite des arbres pour arriver dans des vallées intactes et magnifiques. Si les paysages des highways peuvent être splendides, ici nous avons vraiment l’impression de faire partie du décor, et de ressentir avec tous nos sens toute la puissance de la nature. Le rugissement du vent, le fracas des torrents nous en mettent plein les oreilles. Le goût pur de l’eau fraîche nous chatouille les papilles. Les jeux d’ombres et de lumières sur les montagnes enneigées nous en mettent plein les yeux. Un air pur remplit nos narines. Et les piqures de moustiques nous rappellent que nous avons cinq sens…

Retour vers le futur

Pédaler sur la Canol est un voyage dans le temps. Le soleil de minuit et la quasi absence d’humains dissolvent les heures. Si le calendrier m’indique que quatre jours se sont écoulés entre Ross River et Johnsons Crossing, début et fin de la South Canol, je serais autrement incapable de dire si ce voyage a duré un jour, une semaine ou une éternité. Mais le voyage dans le temps va plus loin encore. La mise en scène de l’histoire récente du Yukon à travers ces véhicules abandonnés nous emmène dans le passé, mais aussi dans le futur. Un jour, la nature reprendra sa place et tout ce qu’il restera de l’humanité seront quelques épaves perdues dans les bois. En attendant ce jour peut-être pas si lointain, j’espère revenir dans le Yukon et parcourir l’intégralité de la Canol, jusqu’à Norman Wells, et à défaut de remonter le temps, traverser ces espaces parmi les plus reculés du Canada.

Dempster Highway, la route de l’Arctique

La Dempster Highway est l’unique route canadienne qui traverse le cercle arctique. Depuis son prolongement en 2017, elle relie le village Inuit de Tuktoyaktuk, sur l’océan Arctique, avec le reste du réseau routier national. La Dempster est une large piste de terre et de gravier de près de 1000km, mythique pour de nombreux canadiens pour qui elle représente l’endroit le plus lointain de leur pays, accessible au prix de nombreux efforts.

Premier contact

Le Nord est incroyable. Nous en avons eu un premier aperçu en descendant de l’avion à Whitehorse, capitale du Yukon. Soleil de minuit, odeur de pin jusque sur le tarmac et immensité des paysages alentours font appel à tous nos sens. Après une troisième nuit à dormir dans un aéroport, nous décollons enfin pour Inuvik, 3000 habitants et principale ville de l’estuaire du Mackenzie dans les Territoires du Nord Ouest. Depuis le hublot de l’avion, les paysages que nous survolons sont époustouflants : montagnes découpées, taïga constellée de milliers de lacs et traversée par d’immense fleuves serpentant à travers l’immensité de la forêt, à peine impactée par endroits par la présence humaine. L’ours polaire empaillé dans l’aéroport d’Inuvik donne le ton : nous somme au nord du Nord, dans le grand Arctique.

Nous déchargeons nos vélos de la plateforme du pickup d’Alex et Dominique, qui nous ont pris en stop, directement devant l’océan Arctique, terminus de la Dempster Highway ou point de départ d’une aventure encore plus longue. Tuktoyaktuk est un endroit unique. Village Inuit coincé entre les lacs gêlés du delta du Mackenzie et la mer, sa population vit encore de manière assez traditionnelle, même si elle a maintenant accès à tout le confort moderne grâce à ses deux supermarchés (aux prix exorbitants). Un pêcheur nous explique que la saison de la chasse à la baleine va bientôt commencer. Cette chasse est indispensable pour les Inuits, une baleine permet de nourrir de nombreuses bouches pendant longtemps et toutes les parties de l’animal, de la graisse aux os, sont utilisées.

L’enfer du Nord

L’enfer du Nord, le vrai, n’est pas sur les pavés du Paris-Roubaix mais sur l’Inuvik – Tuktoyaktuk Highway. Je pensais que ces 150km sans réel dénivelé serait une facile remise en jambe. En réalité, ces deux premiers jours constituent la pire expérience que j’ai vécu jusque là. La route elle-même est plus difficile qu’elle n’y parait : les 100 premiers kilomètres à travers la toundra sont composés d’un gravier instable et sablonneux, qui rend la progression lente et usante. Il y a beaucoup de circulation et chaque véhicule passe dans un nuage de poussière qui nous oblige à nous couvrir le nez, la bouche et les yeux. Mais tout cela serait simplement difficile s’il n’y avait pas les moustiques. Nous sommes en permanence suivis par une nuée d’insectes qui nous piquent même à travers nos vêtements, dans un bourdonnement permanent et infernal. Il fait chaud et lourd et nous sommes couverts des pieds à la tête, gants compris. Manger ou aller aux toilettes est une torture. Chaque minute passée hors de la tente est un enfer. Une fois arrivés dans la taïga, la forêt arctique, la route s’améliore et les moustiques nous laissent enfin un peu de répit.

Cette mauvaise expérience est certes due aux conditions difficiles, mais également à notre impréparation. Nous ne transportons que 2 litres d’eau chacun, nous devons donc nous arrêter régulièrement pour filtrer l’eau de la toundra, jaunâtre et au goût herbacée, que nous surnommons « herbal tea » (infusion). Notre filtre est lent, très lent. Nous mettons ce temps à profit pour manger et faire une pause, mais c’est tout de même trop long et chaque minute à l’arrêt est un repas offert aux moustiques. Nous n’avons pas non plus de répulsif. Bien que peu efficace face à une nuée d’insectes affamés, il permet au moins de pouvoir se passer de gants en roulant, ce qui apporte un confort appréciable par ce temps chaud. Les moustiques ne craignent que deux choses : le vent et la fumée. Nous aurions pu transporter un peu de bois mort (il n’y a pas d’arbres dans la toundra) pour pouvoir faire du feu le soir au bivouac.

Ambiance tropicale

Nous croyions avoir chaud sur la route de Tuktoyaktuk, mais ce n’était rien. Alors que nous faisons une pause à Inuvik pour préparer la logistique pour la suite du voyage, une vague de chaleur s’installe sur l’arctique canadien. Les températures passent en un jour de 15 à 30 degrés, puis continue d’augmenter pour tourner pendant plusieurs jours autour de 35. « It’s too hot for an eskimo ! » (Trop chaud pour un eskimo).

Si la région avait déjà subi une vague de chaleur l’été précédent, celle-ci est encore plus forte. Il n’a jamais fait aussi chaud dans le nord. Le soleil ne se couche jamais, et la température met énormément de temps à redescendre. Il n’y a pas d’ombre, et la température dans la tente reste inconfortable de 9h du matin à minuit. Hors de la tente, les moustiques et les mouches s’en donnent à coeur joie. Rouler de nuit n’est pas une option : si la température est effectivement plus confortable de minuit à 8h du matin, les moustiques sont encore plus vifs.

Si pour nous ces conditions sont inconfortables, pour la région et même la planète, elle sont inquiétantes. À court terme, elles ont entrainés un nombre record de feux de forêts dans le Yukon. L’air est enfumé par les incendies. À plus long terme, la fonte des glaces et du permafrost et la montée des eaux nous menacent tous, mais impactent encore plus ces régions. Tuktoyaktuk subit chaque année une érosion importante, et la question n’est plus de savoir si le village va disparaître, mais quand.

Road angels

Ce qui nous a permis de tenir face à ces conditions difficiles, ce sont les road angels (anges de la route). Les road angels sont à la Dempster Highway ce que les trail angels (anges du chemin) sont aux longues randonnées américaines telles que le Pacific Crest Trail ou l’Appalachian Trail. Un personnage typiquement nord-américain, prêt à parcourir les 900km de la Dempster Highway aller-retour au volant de son camping-car climatisé pour passer seulement une nuit au bord de l’océan Arctique, mais qui trouve incroyable, hallucinant, surhumain même, que l’on puisse le faire à vélo en deux semaines. Les anges de la route s’arrêtent souvent pour nous dire à quel point nous sommes de véritables héros américains à leur yeux, s’assurer que nous ne manquons de rien, nous offrir de l’eau fraîche voire de la nourriture : des fruits (véritable caviar ici), des glaces et même des bières fraîches ! Les anges de la route allègent également nos vélos : un service de livraison de cartons de nourriture est organisé au départ des offices de tourisme d’Inuvik et de Dawson. Les cartons sont confiés à des touristes motorisés, qui les déposent à des endroits sûrs (hôtels, campings…) sur la route. Enfin, les anges de la route nous informent : de l’ouverture et de la fermeture des routes dans le sud, à cause des travaux ou incendies. De la présence d’animaux sur la routes (ours ou pire : orignaux). De la progression des autres voyageurs à vélos. Nous savons ainsi qu’un autre français est quelques jours derrière nous, ainsi qu’un groupe d’une vingtaine de cyclistes avec voiture d’assistance !

En plus de nous offrir le plein d’eau fraîche, ce conducteur transporte en stop un autre cycliste.

Enfin les montagnes

D’Inuvik à Fort McPherson, les paysages sont parfois monotones, voire carrément ennuyeux, à l’image des 50km avant et après Tsiigehtchic : une longue ligne droite plate, trois virages et toujours le même paysage de pins rachitiques des deux côtés de la route. En ajoutant à cela les mouches et moustiques qui ne nous lâchent pas et la chaleur insoutenable, on commence à douter des motivations qui nous ont pousser à venir rouler ici. On nous avait promis de la fraîcheur et des animaux sauvages, pour l’instant nous n’avons eu ni l’un ni l’autre, à part quelques oiseaux intéressants dans le delta du Mackenzie, au delà de la limite des arbres (sternes arctiques, petites oies des neiges, plongeons du Pacifique, cygnes siffleurs, aigles, canards eider…).

Une fois la rivière Peel franchie, la route se redresse immédiatement et nous devons affronter les premières véritables bosses du voyage. À Midway Lake, nous voyons enfin les montagnes. La première journée d’ascension est longue et éprouvante, mais nous la vivons comme une véritable récompense : enfin de beaux paysages ! Clemens et Michael, avec qui nous roulons ce jour là, nous avertissent : c’est typiquement le genre d’endroit où on pourrait croiser un grizzli. Effectivement, on se croirait dans un paysage de documentaire animalier. Heureusement, nous sommes trois tentes et quatre cyclistes ce soir là et aucun ours n’a osé tenté sa chance avec nous. Les moustiques, si. Comme d’habitude !

Le passage du col Wight qui marque la frontière entre le Yukon et les Territoires du Nord Ouest marque également le retour à des températures plus confortables et l’apparition d’une brise thermique en fin de journée, qui nous permet de monter le bivouac et de manger en étant moins gênés par les insectes. Mais si les paysages sont magnifiques, ils sont malheureusement complètement voilés par la fumée des lointains incendies. Impossible de prendre des photos : on ne voit qu’une purée de pois grise. C’est frustrant. Heureusement, quelques jours plus tard les premières pluies nettoient l’atmosphère, font retomber la poussière de la route et rendent le voyage enfin réellement agréable. Les 120km sans eau après Eagle Plains, que nous redoutions, passent comme une lettre à la poste dans ces conditions. Et comme les bonnes choses n’arrivent jamais seules, c’est également à partir de ce moment que nous commençons à voir des animaux. Notre premier ours, tout d’abord. Un ours noir en train de brouter tranquillement au milieu d’un champ de fireweeds. Tache noire sur fond rose dans la lumière dorée du soir, la scène est à la fois intense et émouvante. L’animal, à une centaine de mètres de nous, lève la tête et nous regarde, avant de reprendre ses activités. Je suis à la fois ému et excité. Quel bel animal ! Quelle chance de le voir dans son milieu naturel ! Le lendemain, en redescendant dans la vallée d’Ogilvie, c’est un orignal que nous voyons s’abreuver dans la rivière. Malheureusement trop peu de temps, puisqu’une voiture passant à toute vitesse le fait fuir. Puis un castor nous sort de notre sieste au bord de la Blackstone river, au moment où un aigle à tête blanche passe au dessus de nous !

Alors que nous atteignons le parc de Tombstone, les paysages deviennent franchement grandioses. Nous nous arrêtons une journée pour profiter de la nature et des chemins de randonnée. En effet, notre grosse frustration par rapport à la Dempster Highway, c’est que bien que ce soit une route de terre, elle reste une highway : la nature est loin de nous et les paysages défilent comme au cinéma, à bonne distance. Pour nous qui aimons rouler sous les arbres, pousser nos vélos sur des petits chemins, c’est parfois un peu ennuyeux malgré les paysages splendides.

Dawson City

Terminus de la Dempster Highway, Dawson est la plus ancienne ville du Yukon, fondée à la fin du 19e siècle lors de la ruée vers l’or du Klondike. Difficile d’imaginer que cette petite bourgade touristique d’un peu plus de 1000 habitants était peuplée de plus 40000 personnes au pic de la fièvre de l’or, dans les années 1897-1898. La plupart de ses habitants venaient de Californie, et si quelques uns ont fait fortune, la plupart sont morts ou rentrés bredouilles. Aujourd’hui, Dawson City conserve une atmosphère de ville du far west avec ses trottoirs en bois, ses routes de terre, ses façades style western et sa population de personnages forts, parfaitement en phase avec leur environnement. Nous sommes surpris d’y entendre beaucoup parler français : le Yukon est peuplé d’environ 25% de francophones et tous les services et documents officiels sont en anglais et en français. Nous nous reposons quelques jours au campground de Dieter, vieux baroudeur allemand qui a parcouru le monde à vélo pendant 15 ans avant de poser ses valises à Dawson, où il travaille l’été pour voyager l’hiver. Ce retour à la civilisation est pour nous l’occasion de manger autre chose que de la purée et des flocons d’avoine, et de modifier nos plans pour la suite du voyage. Nous avons entendu parler de petites routes de terre comme nous aimons dans le sud du Yukon. Au pays du Wild, à quoi bon s’ennuyer sur des highways bien lisses quand on peut s’enfoncer un peu plus dans la nature sauvage ?

La Alpujarra, Granada et l’Alhambra

Grenade et sa région, en particulier l’Alpujarra, ont été un véritable coup de cœur pour nous. Nous étions à deux doigts de laisser nos vélos et de nous arrêter ici, pour longtemps. Cela méritait donc bien un article à part, en attendant d’y retourner un jour.

Alpujarra

Une jota rocailleuse, un double « r » qui roule comme s’il dévalait les pentes de la Sierra et le préfixe Al : les origines arabes de la région de l’Alpujarra s’entendent dans chaque syllabe de son nom. Elles se voient aussi dans ses paysages : est-ce toujours l’Europe ou déjà l’Afrique ? Des siècles d’enrichissement culturels mutuels ont donné à l’endroit une identité unique. C’est le printemps, l’eau coule à flot dans les torrents, les paysages d’un vert éclatant sont couverts de fleurs. On a qu’une seule envie : poser nos sacoches et s’installer ici.

Alhambra

Avant d’être le nom de la bière locale, l’Alhambra est d’abord un palais magnifique et une forteresse fondé par les arabes au moyen-âge. Il domine Grenade et ses jardins extraordinaires ont des vues incroyables sur la ville d’un côté et sur les neiges de la Sierra Nevada de l’autre. Fut un temps, l’Alhambra dut être un véritable paradis pour ses habitants. Aujourd’hui, il est malheureusement envahi par les touristes, il faut réserver plusieurs jours à l’avance son billet et faire souvent la queue, mais il n’en conserve pas moins sa beauté.

Grenade

Malgré la splendeur de l’Alhambra, venir à Grenade seulement pour son palais et ses couchers de soleil (eux aussi très réputés), c’est passer à côté de tout ce qui fait l’âme de cette ville. Grenade n’est pas seulement belle, elle est rebelle et multiculturelle. Un fruit bien mûr en permanente explosion culturelle, artistique, festive. J’ai retrouvé l’atmosphère punk du Rennes de mes 15-20 ans, cette ville que j’aimais, pauvre mais joyeuse, enterrée par les projets urbains et le TGV qui l’ont transformée en périphérie bobo de Paris. À Grenade, cette atmosphère persiste malgré le tourisme massif, et elle se dote en plus d’une touche méditerranéenne, fruit de siècles de brassages culturels liés à sa position géographique, entre l’Europe et l’Afrique.

« Que nos hay en la vida nada como la pena de ser ciego en Granada » peut-on lire sur un mur de la maison du peintre Max Moreau, dans le quartier d’Albaicin. Quelle plus grande peine encore que d’y être sourd. à chaque coin de rue, la musique résonne. Rumba gitane et flamenco bien sûr mais aussi reggae africain et buff stoner/blues du désert à tendance hippie placette Cristo de las azucenas. Techno bien européenne dans les friches du Sacromonte. Rave party ambiance burning man dans le désert de Gorafe tout proche. Sans oublier le roucoulement grave des huppes fasciées qui peuplent les jardins, revenues de leur hiver tropical. Encore un endroit où nous aurions bien posé nos valises pour un moment.

Portugal

La frontière entre l’Espagne et le Portugal est matérialisée par une large rivière. Il n’y a pas de pont pour la traverser, seul un bac permet de passer de l’autre côté. Le bateau part une fois par heure, ce qui donne tout son charme à cette frontière : pendant que nous l’attendons, nous contemplons l’autre rive en essayant d’imaginer comment sera le Portugal. Vue d’ici, ça n’a pas l’air très différent de l’Espagne. Pourtant, à peine débarqué le changement d’atmosphère nous saute aux yeux. Le changement de langue déjà : nous ne parlons pas portugais et la communication avec les locaux s’annonce plus compliquée. Heureusement, beaucoup de personnes de ce côté de la frontière s’expriment dans un anglais ou un français impeccable. Il faut dire que comme à Majorque, l’Algarve souffre d’un phénomène de colonisation par des retraités aisés des pays riches d’Europe, France en tête, attirés par le coût de la vie (1€ la bière…), le climat et les avantages fiscaux.

Nous avions entendu beaucoup de mal des automobilistes portugais. Il est vrai qu’après l’Espagne, où les conducteurs sont exemplaires, nous avons quelques sueurs froides. Heureusement, il suffit de s’enfoncer de quelques kilomètres dans les terres pour trouver des petites routes tranquilles et des pistes magnifiques et en très bon état. Etrangement, nous croisons plus de voyageurs à vélo sur la route littorale très fréquentée, où nous n’avons pourtant roulé qu’une dizaine de kilomètres, que sur les petites routes de l’intérieur pourtant plus belles et plus calmes. Nous nous concoctons un itinéraire en nous basant plus où moins sur le GR Via Algarviana et sur un chemin de Saint Jacques qui part de la frontière espagnole. Au programme : collines couvertes de forêts d’eucalyptus, fonds de vallées humides et grouillant de vie (grenouilles, tortues, serpents, oiseaux, chouettes…) et jolis villages. Nous avons 1 semaine devant nous et peu de distance à couvrir jusqu’à Portimao où nous rejoignent mes parents. Il fait chaud, on trouve des bars à toutes les intersections et le portugais est la plus belle langue du monde, alors nous passons nos après-midi à siroter des Sagres et des Super Bock en écoutant parler les gens le temps que la température baisse.

Nous retrouvons mes parents à Portimao. Nous passons la semaine suivante avec eux sur leur voilier. Ensemble, nous explorons la côte jusqu’à Sagres, considéré pendant longtemps comme le bout du monde par les européens du sud. Fin mai, il est temps de rentrer. Un autre voyage, plus long, nous attends.

À travers l’Espagne vide

L’Altravesur est un itinéraire VTT conçu par bikepacking.com qui traverse le sud de l’Espagne de Valence à Cadiz. Il suit des petites routes, des pistes plus ou moins roulantes et quelques passages plus engagés. Il connecte des itinéraires déjà existants : GR247, ruta de Don Quijote, Transnevada… pour en faire une longue traversée d’environ 1300km et 33000m de dénivelé positif. Nous avons pris quelques libertés avec le parcours « officiel » pour éviter certains passages impraticables pour cause de météo (les Campos d’Hernan Pelea après 3 jours ininterrompus de neige) ou par choix. A l’inverse, nous y avons ajouté des passages « hors trace » qui nous inspiraient, comme les déserts de Gorafe et d’Almeria. Si les quelques passages techniques peuvent être facilement évités, la difficulté physique est elle bien présente. Les régions traversées sont parmi les plus reculées d’Espagne, les paysages sont incroyablement variés et grandioses, et lorsqu’en plus le mauvais temps s’en mêle, l’aventure devient véritablement épique. Lors de cette traversée nous avons eu de la neige, de la pluie, des nuits glaciales, beaucoup de vent, de la boue et des écarts de température impressionnants. Parfait pour tester notre matériel et notre capacité d’adaptation avant notre grand voyage à travers l’Amérique. Maintenant, nous sommes rodés !

La pluie

Le matin du 25 mars, nous sortons de Valence par son magnifique réseau de pistes cyclables. La pluie, omniprésente depuis le début du mois, nous offre une courte accalmie. Nous estimons que nous avons le temps de rouler suffisamment loin de Valence pour trouver un endroit où bivouaquer avant son retour. Alors que nous traversons les vergers d’oranger et de mandariniers de l’arrière-pays, le ciel nous tombe à nouveau sur la tête. Il faut pourtant que nous avancions : impossible de camper ici, tout est grillagé. Nous montons vers Dos Aguas, à travers la brume, au milieu de montagnes austères. Nous espérons trouver un abri au col avant le village, mais le vent souffle beaucoup trop fort et le sol, complètement détrempé ne nous permet pas de monter la tente alors que la pluie continue de tomber. « Lluvia de barra » : il pleut des baguettes. Ou des cordes, en français. Alors que la lumière du jour baisse fortement, nous repérons une maison au milieu de nulle part, devant laquelle est garée une voiture. Il y a un porche devant la maison, dans lequel les bourrasque de vent s’engouffrent, apportant avec elles quelques gouttes de pluie. Au moins il y a un toit pour s’abriter, c’est toujours mieux que rien. Nous frappons à la porte, un vieux monsieur sort. Nous lui demandons si nous pouvons monter notre tente ici. Sa femme arrive, nous dit qu’il faut être fous pour voyager à vélo par ce temps. Eux, ils n’ont pas vu le soleil depuis un mois. De toute leur vie, ce n’était jamais arrivé. Ils ne peuvent pas nous faire entrer à cause de leurs chiens, mais nous pouvons dormir sous le porche. Peut-être pour se faire pardonner, ils reviennent alors que nous montons la tente avec des grands bocaux de soupe chaude, de café au lait et des madeleines. Encore plus que le café, c’est l’attention qui nous réchauffe et nous aide à passer la nuit sous les trombes d’eau, la brume et dans le bruit du vent. Le lendemain matin, nous nous contentons de rouler les 10km jusqu’au village suivant, Dos Aguas. Le vent s’est calmé, mais il pleut toujours sans interruption. Le seul hôtel du village sera notre refuge, malgré le prix beaucoup trop élevé, le toit qui fuit, les bois gonflés des portes qui ne leur permettent plus de se fermer (de toute façon nous sommes les seuls clients) et la douche froide, puisque le chauffe-eau est solaire. Tous les gens que nous croisons nous parlent de cette pluie « increhible ! ». Il n’a pas plu autant depuis 1850, parait-il. On a vraiment de la chance !

L’Espagne Vide

Au bar de Dos Aguas, nous rencontrons Ramon. Ramon c’est Raymond en espagnol, comme Raymond Poulidor, dit-il. Ramon aime la bière, et il aime aussi parler français. Il nous explique que nous entrons dans « l’Espagne vide ». Beaucoup de villages comme Dos Aguas sont grands et ont de nombreux logements, mais la plupart de ces logements sont vides. Leurs habitants sont partis sur la côte ou dans les capitales régionales chercher un emploi. En dessous d’un certains nombre d’habitant, les services publiques ferment, ce qui accélère le processus. Ne restent que des retraités, des agriculteurs et quelques irréductibles qui n’ont pas voulu partir et tentent de survivre comme ils peuvent. Tout au long de notre traversée, nous constaterons cet état de semi-abandon de ces territoires. Nous passerons devant un nombre incalculable de panneaux « à vendre », certains tellement vieux qu’on devine tout juste ce qui y est écrit. Nous traverserons des villages entiers vidés depuis longtemps de leurs derniers habitants et tombant en ruine, en particulier dans le désert de Tabernas dont le village de Fuente Santa illustre cet état. Perdu au milieu de rien, Fuente Santa n’était desservi que par la voie ferrée et une très mauvaise piste de sable. La gare est toujours là, mais aucun train ne s’y arrête plus. Quelle sensation étrange quand, alors que l’on est assis à l’ombre sur le quai, tout se met soudain à vibrer et le fracas l’Almeria-Séville rompt le silence du désert avant de disparaître comme il était arrivé. On se demande si on n’a pas rêvé ces gens nous regardant à leur fenêtre, dans leurs wagons climatisés, pendant que nous bouffons de la poussière sur le quai où la seule autre forme de vie visible sont les scarabées et les fourmis qui terminent les miettes de notre repas.

Déserts

La péninsule ibérique concentre sur un territoire à peine grand comme la France la diversité de paysages d’un pays comme les Etats-Unis. Le relief important, la situation géographique entre l’océan Atlantique et la Méditerranée engendrent une diversité de micro-climats extrêmement variés et changeant. Cette richesse paysagère est incroyable lorsqu’on voyage à vélo : les paysages changent tous les 30 à 50km environ. Impossible de se lasser, le risque est plus de saturer. Parmi toute cette diversité, ce qui est probablement le plus fascinant et unique pour nous européens, ce sont les déserts. Gorafe, Monegros, Bardenas Reales, Almeria, Tabernas… Tous ces lieux plus ou moins connus ont un climat aride, résultant à la fois de leur position géographique (Gorafe, bassin coincé entre différentes Sierras qui arrêtent les nuages) et de l’impact de l’homme. L’absence de végétation et les pluies rares mais violentes entraînent une érosion importante et des paysages de badlands, canyons et cheminées de fées grandioses et colorés. C’est une succession de dégradés d’ocres, de jaunes, de gris, de noir et même de vert. Le vert de certaines roches, mais aussi, à cette saison, des végétaux. En effet, après les semaines de pluie qui se sont abattues sur la péninsule ce printemps, nous traversons les déserts de Gorafe et Tabernas au meilleur moment possible, quand la végétation est en pleine croissance et floraison.

Etrangement, l’Altravesur ne traverse aucun désert. La trace se concentre sur les montagnes et contourne Gorafe par la Sierra de Baza. C’est pourtant un des plus beaux endroits que nous ayons traversé à vélo, et ce détour nous paraissait indispensable. Nous ne le regrettons pas : les pistes et routes sont en bon état et les paysages incroyables. Pour Tabernas, le détour est plus discutable : une bonne partie du désert est sur des terrains privés où l’on cultive les panneaux « passage interdit ». Les pistes et chemins sont laissés à l’abandon et nous avons dû parfois porter les vélos sur des sentiers où même à pied, nous n’aurions pas toujours été sereins. Peut-être est-ce dû à une érosion importante, conséquence aux pluies récentes. Après coup, nous ne regrettons pas d’y être passé : les villages abandonnés et décors de cinéma en plus ou moins bon état apportent une touche unique à ces paysages déjà austères.

Voyager à vélo dans ces déserts se mérite et se prépare. L’ombre est quasiment inexistante, et même si les quelques rivières sont pleines à cette période, l’eau est tout de même assez rare. Il fait déjà chaud et surtout très sec début avril, et nous buvons beaucoup. D’autant plus que ça grimpe : si vu du ciel le bassin de Gorafe paraît plat, il est en réalité creusé d’innombrables canyons qui obligent à monter et descendre tout le temps. Il est indispensable de prévoir beaucoup d’eau, surtout pour bivouaquer dans le désert, qui est une expérience incroyable : camper seuls en haut d’une colline avec vue sur les paysages lunaires illuminés par les étoiles et l’absence de pollution lumineuse, un souvenir inoubliable.

Seuls au monde (ou presque)

A de nombreuses reprises nous avons eu ce sentiment d’être seuls au monde. Ce fut particulièrement le cas dans les désert bien sûr, mais aussi en bien d’autres endroits : lors de notre traversée de la Mancha, dans les sierras du nord de l’Andalousie ou dans la Sierra Nevada, pour ne citer que les plus marquants. Cette rareté des rencontres les rends d’autant plus précieuses, d’autant plus quand les conditions sont rudes. A chaque fois que nous revenons à la « civilisation », en particulier dans des villages touristiques, nous nous sentons étrangers, perçus comme de potentiels clients parmi d’autres. Nous croisons plus de monde, mais les rencontres sont de moins bonne qualité, plus superficielles. Le bivouac y est également plus difficile, il faut faire de plus longues distances pour trouver un endroit correct, bien se cacher et partir tôt. Alors que nous pensions faire une pause reposante au bord de la mer à Almeria, nous en repartons encore plus fatigués. Finalement, c’est dans les endroits reculés que nous nous sentons le plus à notre place. Il est facile de camper n’importe où et en cas de doute, il suffit de demander. Et puis surtout, les animaux sauvages se montrent plus facilement. Dans la Sierra Nevada, nous avons arrêté de compter les bouquetins. Nous avons aussi vu et entendu des renards, de nombreux oiseaux, des sangliers, des chevreuils… Ces rencontres avec la faune sauvage sont toujours chargées d’émotion. Mais les rencontres humaines dans ces régions moins touristiques ne sont pas en reste. A Albacete, alors qu’une pluie froide et un puissant vent glacial de face nous ralentissent, nous passons deux nuits chez Gonzalo, hôte incroyable qui nous donne la force de repartir. Un peu plus loin, alors que nous luttons pendant deux jours contre ce même vent de face et cette même pluie sur la ruta de Don Quijote, nous croisons trois fois le pickup du garde chargé de cette voie. A chaque fois il s’arrête pour nous parler, avant de conclure avec un air lugubre : « demain, il va neiger ».

La neige et le froid

Finalement, il n’a pas neigé le lendemain. A la place, une vague de froid et un vent mordant se sont installés. La nuit, les températures descendent bas, très bas. Heureusement, nous sommes dans la Sierra de Cazorla. Cette Sierra, une des plus froides et humides d’Espagne, attire de nombreux randonneurs qui viennent y chercher l’eau et la fraicheur quand les températures deviennent trop chaudes en plaine. Grâce à cette attractivité de ses sentiers de randonnées, de nombreux refuges y sont construits, parfois même au bord des routes. Il est donc très facile d’y trouver un abri. Ainsi, nous avons pu passer toutes les nuits en dur pendant que dehors, tout gelait. Un matin, à 9h au soleil et à l’abri du vent, alors que l’air commençait déjà à bien se réchauffer, mon compteur indiquait encore -5°C.

Il n’a pas neigé le lendemain mais deux jours plus tard. La météo annonçait un à deux jours de tempête, alors nous avons enfourché nos vélo direction Pontones, où une auberge de jeunesse pas cher pourrait nous abriter pendant ce temps. Pour l’atteindre, nous avons dû gravir une dernière montée de 8km et 800m de dénivelé, sous une pluie de neige fondue ininterrompue, dans le froid, sans aucun abri, sans s’arrêter pour manger pour ne pas se refroidir, avec de nombreux passages raides nous obligeant à pousser les vélos… Cette montée fut probablement le moment le plus inconfortable du voyage. Et à notre arrivée à Pontones, l’auberge était fermée. Dépités, nous entrons dans le seul bar ouvert pour nous réchauffer autour d’un café bombón. Rien de tel que ce mélange de café et de lait concentré dans ces moments-là. Le serveur nous apporte nos tasses accompagnés d’une assiette de tapas. Croyant à une erreur, nous lui faisons remarquer que nous avions juste commandé des cafés, mais il insiste. C’est la tradition dans certains endroits de l’est de l’Andalousie : la boisson, surtout le vin ou la bière, est souvent accompagnée d’un tapa offert, de qualité variable (généralement juste quelques chips ou cacahuètes). Il nous apporte ensuite deux autres assiettes, chaudes et réconfortantes. Cadeau de la maison. En plus d’être un hôte généreux, Miguel est le frère de Raul, qui gère l’auberge. Un coup de téléphone plus tard et nous sommes installés devant la cheminée de l’auberge ouverte spécialement pour nous, où nous passons les trois jours suivants à attendre au coin du feu que la neige passe.

Quelques semaines plus tard, nous traversons cette fois la Sierra Nevada. Alors que le printemps est bien installé en dessous de 1500m d’altitude, lorsque l’on monte, l’hiver est toujours là. Le silence n’est rompu que par le croassement austère des geais des chênes et le fracas assourdissant des torrents, bien chargés en eau. Au dessus de 2000m, le bruit du vent couvre tout le reste. Les paysages sont spectaculaires, rudes mais magnifiques. Une fois en hauteur, au dessus des derniers villages, nous ne rencontrons plus aucun humain, mais de nombreux bouquetins et rapaces.

Enfin le printemps

Sans transition, après le froid et la neige, les températures montent à 30 degrés. Pas encore acclimatés, nous souffrons un peu au début. Puis la végétation reprend ses droits, les paysages verdissent et se couvrent de fleurs, arrosés par des averses qui maintiennent l’air à une température agréable. Après un mois et demi pas toujours facile, nous prenons notre pied ! A Ronda, nous rencontrons Tristan, voyageur anglais avec qui nous faisons un bout de route dans les sierras du sud-ouest de l’Andalousie. Nous nous attendions à des paysages secs, nous avons l’impression d’être quelque part entre le Pays Basque et la Colombie… D’après Wikipedia, cette région toute proche de Gibraltar est la plus arrosée d’Espagne. Ce pays n’en finit pas de nous surprendre ! Malheureusement, qui dit humidité dit également boue. C’est la goutte de trop pour mon vélo, qui mange de la poussière, du sable, de la neige et de la boue depuis bientôt trois mois. Le corps de roue libre est encrassé et les cliquets ne s’enclenchent plus. Je termine les 10km nous séparant de la Linea de la Concepcion en trottinette… Les vélocistes du coin ne savent pas m’aider, il faudra prendre le bus jusqu’à Tarifa pour trouver un mécanicien qui acceptera de me dépanner. Dommage, je me sentais mieux à La Linea, ville pauvre et un peu délabrée mais authentique, qu’à Tarifa, capitale de la surf culture du sud de l’Espagne, ses hordes de touristes « cools » qui alternent yoga sur la plage, cours de kitesurf et restaurant végétarien dans une ambiance pseudo-hippie mais authentiquement consumériste. Après avoir retrouvé mon oncle et ma tante en vacances dans le coin, nous reprenons la route en direction du Portugal où mes parents doivent nous rejoindre. La côte sud-ouest de l’Espagne à cette période est magnifique. Le vent ponctue le bleu turquoise de la mer de petites crêtes blanches. Côté terre, les collines couvertes de prés où paissent vaches et chevaux descendent en pente douce vers la mer. On se croirait presque dans le Finistère, en Irlande ou dans les Asturies, avec quelques degrés et la vue sur l’Afrique en plus.

Alors que nous remontons vers Cadiz, les paysages s’aplanissent et les températures remontent. L’air est lourd jusqu’à la traversée du Guadalquivir. Nous entrons alors dans le parc national de Doñana. 30km de plage déserte nous attendent jusqu’au prochain village. Seuls quelques pêcheurs en fatbike passent, ainsi qu’un gros bus tout terrain de temps en temps. Nous sommes seuls au monde et nous ralentissons pour faire durer le plaisir. Le soir, quand tous les pêcheurs sont partis, seuls restent des oiseaux de mer et le bruit des vagues. L’ambiance est magique. Après 3 mois intenses et parfois difficiles, c’est maintenant l’heure de se laisser aller.

Pays Catalans

Le grand départ

19 février 2022. Nous passons notre première nuit de bivouac de ce voyage dans notre appartement vide. Alors que nous avons passé près de 3 ans dans ce logement, dont deux en confinement puis en télétravail, il est plutôt étrange de camper dans notre chambre. Une journée marathon nous attends le lendemain : rendez-vous à 9h avec les propriétaires pour l’état des lieux de sortie avant de pédaler jusqu’à la gare, démonter nos vélos et sauter dans le train pour Gérone. Cela fait 4 ans que nous vivons à Lyon et depuis le début, nous savons que ce n’est qu’une étape avant le grand départ. La pandémie aura un peu retardé nos projets mais maintenant ça y est, nous partons.

Nos vélos prêts au départ à Gérone

Gérone est au vélo ce que Courchevel est au ski : une destination sportive d’hiver pour les riches cyclistes d’Europe du Nord qui viennent rouler une semaine au soleil sur des vélos en carbone, avant de retourner dans la grisaille et le froid d’Angleterre, d’Allemagne ou de Scandinavie. Avec nos lourds vélos en acier, nous faisons un peu tache dans le décor. Qu’importe, l’aventure nous appelle. Sous un beau soleil de fin d’hiver, nous rejoignons la trace de l’European Divide, qui passe quelques kilomètres plus loin, dans les montagnes. Cette trace relie le Cap Nord, en Norvège, au cap Saint Vincent, extrémité sud-ouest de l’Europe au sud du Portugal. Bien que le tracé soit encore un peu jeune et mériterait quelques retouches pour être bien abouti, nous avons choisi de nous en inspirer pour le début de notre voyage en Espagne. La variété des paysages de l’arrière-pays catalan nous étonne. Nous roulons aussi bien à travers des forêts touffues que des garrigues arides et des paysages cultivés alternant entre vigne, oliveraies et amandiers en fleurs. Le village de Poboleda, dans la region du Priorat est pour moi l’occasion d’une pause nostalgie. C’est dans ce village que j’ai passé mes premières vacances à l’étranger avec mes parents, quand j’avais 9 ans. Le camping, dont nous étions les tous premiers clients est aujourd’hui fermé et laissé à l’abandon. Pour le reste, la région est toujours assez fidèle à mes souvenirs, en plus touristique.

Les rubans jaunes

Si les paysages et les villes que nous traversons en Catalogne sont d’une diversité remarquable, une chose est immuable : le régionalisme catalan est omniprésent. Partout où nous passons, des rubans jaunes ornent les façades des bâtiments et le mobilier urbain. Les panneaux d’information et autres documents officiels sont écrits dans une seule langue, le catalan. Des drapeaux catalans flottent à toutes les fenêtres et des portraits des prisonniers politiques ornent les mairies. A Vic, nous traversons la ville en pleine manifestation indépendantiste. Impressionnant. A Tivissa, un vieux monsieur refuse de nous parler castillan. Heureusement, la langue catalane est plutôt facile à comprendre : on dirait presque de l’espagnol avec un accent chantant du sud-ouest de la France.

Les paysages que nous traversons en suivant l’European Divide sont magnifiques mais la route est exigeante. Nos vélos trop lourds et nos muscles pas encore affutées en ce début de voyage nous obligent à aller très lentement et à beaucoup pousser. Nous décidons de quitter la trace pour rejoindre la côte au Delta de l’Ebre pour faire une petite pause. Ce delta ressemble beaucoup à la Camargue. La riziculture occupe pratiquement tout l’espace, le reste est constitué de marais, le tout peuplé de nombreux oiseaux. C’est une destination prisée des passionnés d’ornithologie, mais aussi des chasseurs : à 7h pile du matin, nous sommes réveillés par des salves de tir provenant de tous les côtés. On décampe, pas le temps de trainer !

Le temps qui se dégrade nous incite à rester sur la côte. Si les paysages ne sont pas les plus beaux, et les routes pas les plus agréables, au moins nous enquillons les bornes. Nous roulons à travers d’immenses villes balnéaires telles que Marina d’Or, vides à cette période de l’année. Seuls à vélos sur une quatre voies déserte, au milieu d’hôtels et de parcs d’attractions fermés, nous avons un peu l’impression d’être avec Will Smith dans le film « Je suis une légende ». Les stations balnéaires laissent ensuite la place aux grandes cultures. Nous roulons à travers des parcelles d’oranger à perte de vue, lorsque le déluge commence. Alors que dans l’arrière-pays nous pouvions monter notre camp pratiquement n’importe où, nous découvrons qu’il est très difficile de trouver un abri sur la côte : tout l’espace est soit construit, soit cultivé. Et lorsqu’il est cultivé, il est également vidéosurveillé et souvent grillagé. Trempés et un peu découragés, nous repérons sur Komoot une zone naturelle marécageuse, avec des observatoires pour les oiseaux, une vingtaine de kilomètres plus loin. Il fait nuit, il pleut des cordes, nous roulons à travers des champs et une zone industrielle, le long de l’autoroute dont les phares des voitures nous éblouissent. Lorsque nous arrivons enfin, le silence de la nuit n’est plus troublé que par les cancanements des canards et le bruissement des ailes des ibis posés sur le toit du refuge, ignorant notre présence. Nous n’allumons pas nos lumières et nous montons la tente en silence pour ne pas les déranger. Le toit du refuge fuit, nous sommes trempés, mais l’endroit est tranquille et demain nous serons à Valence, dans un lit.

A Valence nous découvrons à quel point il est bon d’avoir une douche chaude, un lit et un toit quand il pleut. Nous ne nous en rendions pas compte tant que nous roulions, mais nous sommes crevés. Nous restons quelques jours en ville pour dormir beaucoup, visiter un peu et préparer la suite du voyage. La météo n’est pas très engageante : pluie, pluie, pluie, aussi loin que vont les prévisions. A Majorque, c’est un peu moins pire. Le ferry n’est pas très cher, nous choisissons d’aller y passer les deux semaines suivantes, espérant que la situation s’améliore sur le continent pendant ce temps.

Majorque

Si Gérone est le Courchevel du vélo, Majorque en est le Gstaad. L’île est sillonnée par des hordes de cyclistes majoritairement anglais ou allemands qui roulent en peloton. J’ai l’impression d’être dans une version réelle d’un des mondes virtuels de Zwift. Contrairement aux cyclistes espagnols du continent, très chaleureux, la plupart des vacanciers en « cycling holiday » de Majorque nous snobent totalement et ne répondent même pas à nos saluts… Nous découvrons à nos dépens que le bivouac est également très compliqué sur l’île : l’habitat est dispersé et dense, presque toutes les parcelles sont privées et construites. De plus, la ressource en eau de l’île est surexploitée par l’industrie du tourisme, et les fontaines publiques sont toutes fermées. C’est un véritable challenge de voyager à vélo ici, et la météo plutôt changeante ne rends pas les choses plus confortables. J’ai l’impression d’être prisonnier de l’île : je ne m’y sens pas du tout à ma place, mais entourés par la mer, nous ne pouvons pas partir. Heureusement, nous trouvons dans la Sierra Tramontana des refuges où nous pouvons nous abriter, puis un camping de randonneurs géré par des bûcherons qui nous fournissent des bûches pour nous réchauffer. Et surtout, nous entrons en contact avec Pablo, qui sera notre premier hôte warmshower. Pablo vient d’acheter une finca de l’autre côté de l’île, avec un grand verger et une très vieille ferme qu’il prévoit de retaper. Pour l’instant il n’y a pas d’eau courante, pas de toilettes, mais il y a un toit et même l’électricité. Il nous propose d’y rester quelques jours : nous sautons sur l’occasion. Après Pablo, nous serons hébergés par deux autres hôtes warmshower à Majorque. Tous nous ont fait changer notre regard sur l’île : je ne pense pas y retourner un jour, mais au moins j’en garde un souvenir un peu plus positif grâce à ces rencontres.

Tour du Pays Basque – Les montagnes

Première partie de l’histoire ici.

Après avoir bien profité des douceurs du littoral et des excès de la grande métropole basque, nous décidons de nous mettre au vert et de passer la semaine suivante à explorer les montagnes de l’intérieur. L’objectif est d’arriver à Pampelune le samedi suivant : cette ville connue pour ses férias si bien racontées par Hemingway devrait clore de façon animée cette semaine nature. Après quelques recherches, nous identifions 3 petits massifs qui nous semblent intéressants entre Bilbao et Pampelune : la Sierra Salvada, le massif de Gorbeia et la Sierra de Urbasa.

Sierra Salvada

La sierra Salvada est un plateau formant une frontière naturelle entre le Pays Basque et la Castille. D’après une légende locale, son nom viendrait d’une bataille médiévale entre basques et castillans. Après avoir pris une belle branlée par les basques, les castillans auraient réussi à s’enfuir par ce massif en criant « Salvo Somos » (nous sommes saufs).

La première chose qui nous frappe en arrivant au pied de cette sierra est le changement marquant de climat par rapport au littoral, seulement 30km plus au nord. Il fait chaud et sec, la végétation n’est plus du tout luxuriante. Les seules fleurs que nous voyons sont des crocus des pyrénées, petites fleurs roses emblématiques de la péninsule ibérique qui ont l’air d’apprécier la bouse de vache. Nous atteignons le col d’Aro après une longue et raide montée heureusement ponctuée de nombreuses fontaines. Nous ne croisons personne, à part des bergers en pickup. Ambiance Western, accentuée par le vol des nombreux vautours.

Nous trouvons un refuge dans une clairière déserte. Le silence est troublé uniquement par les cloches des vaches, l’eau d’une source et, plus tard dans la nuit, l’orage et la pluie. Nous sommes le 31 août et l’été est fini. En une nuit, les températures ont baissé de 10 degrés et les arbres sont passés de leur feuillage d’été à leur tenue d’automne.

Gorbeia

Culminant à 1481m au dessus de la mer, Gorbeia est le plus haut mont de Biscaye, la province la plus occidentale du Pays Basque. Il a donné son nom au massif et au parc naturel qui l’entoure. Contrairement à la Sierra Salvada qui fait partie de la chaîne méridionale des montagnes basques, Gorbeia appartient à la chaîne septentrionale. Plus proche de la mer et plus haut, il forme une véritable barrière face aux précipitations venues de l’Atlantique. Par conséquent, la végétation y est plus dense. Les ajoncs et bruyères en fleurs, les forêts de pins et la pluie nous évoquent l’Ecosse.

Partis trop tard d’Amurrio, nous sommes rattrapés par l’orage avant d’avoir pu trouver un abri pour la nuit. Abrités sous un viaduc autoroutier au pied du massif, le temps semble long. Il pleut des cordes, et ça ne semble pas près de s’arrêter. Nous décidons de tenter notre chance avec une chapelle repérée sur la carte à quelques kilomètres, un peu plus haut. En quelques minutes, nos vestes de pluie, plus très étanches, atteignent leur point de saturation et nous sommes trempés alors que nous n’avons même pas encore attaqué la montée, incroyablement raide, qui nous obligera à pousser nos vélos pratiquement tout du long.



Les églises basques ont souvent de très grands porches, très pratiques pour s’abriter de la pluie. Nous montons la tente sous les arcades, sur des dalles de granit patinées par des générations de basques cherchant probablement à s’abriter des éléments pour descendre quelques bières entre amis, comme ceux qui occupaient l’endroit au moment de notre arrivée. Le ciel est bouché, une brume épaisse se forme et la pluie continue de tomber. C’est un 1er Septembre qui se prend pour un soirde Novembre. Les buveurs de bière s’en vont et nous laissent seuls. Le hibou qui niche au dessus de nous ajoute la dernière touche à l’ambiance mystique. Si un fantôme venait nous parler, nous ne serions même pas surpris.

Nous avions envisagé de faire l’ascension du sommet du Gorbeia, mais avec le temps orageux il ne nous semble pas raisonnable de nous balader sur le point le plus exposé de la région. Nous nous contentons donc de pousser nos vélos sur des pistes pentues et humides, au milieu des vaches et chevaux en liberté qui semblent surpris de nous voir là. Alors que j’avais posé mon vélo pour prendre une photo, un jeune poulain accoure vers ma monture, se cabre puis détale : c’est probablement la première fois qu’il voit une bicyclette. Soudain le temps se dégage, il fait à nouveau chaud. La suite de la journée sera une succession de pistes plaisantes à travers les ajoncs et bruyères, les forêts de hêtre puis des routes de campagne. Nous sommes à nouveau surpris par l’orage, encore plus rapidement que la veille. Il est 16h, nous montons la tente dans la forêt au bord de la route. La journée est fini.

Sierra de Urbasa

La transition entre Gorbeia et la sierra de Urbasa nous fait passer dans la province d’Alava. L’influence océanique semble loin de nous et les paysages ressemblent plus à l’intérieur de l’Espagne : champs de blé et tournesols secs, pistes, villages médiévaux posés sur des collines aux bâtiments serrés les uns contre les autres. Après quelques lacets routiers qui nous paraissent bien longs, nous arrivons sur le plateau de la Sierra de Urbasa. Les routes bitumées sont défoncées, les fougères débordent sur la route et les vaches, chevaux et moutons se baladent ici encore en liberté. La nature semble reprendre ses droits. La frontière entre les provinces d’Alava et de Navarre est matérialisée par deux énormes rochers posés sur la route, empêchant totalement le passage pour un véhicule motorisé et nous obligeant à porter nos vélos pour passer. De l’autre côté (en Navarre), les paysages évoluent, le massif est plus peuplé, plus ouvert. On y croise des éleveurs en pickup qui rentrent les brebis, dont le lait sera transformé en un des meilleurs fromages qu’on ait goûté dans la région.

Pampelune, Camino Frances et retour en France

La soirée folle à Pampelune que nous imaginions n’aura pas lieu. Nous arrivons dans la capitale de Navarre fatigués et le retour à la civilisation nous écoeure un peu. A Pampelune comme dans toutes les capitales régionales, les samedis après-midi sont dédiés au culte de la surconsommation. Nous découvrons d’autres excès : les hébergements proposés accessibles à notre budget sont tous des immenses dortoirs dédiés aux « peregrinos », très chers pour ce qu’ils sont. Nous apprenons par la suite que les prix sont encore plus gonflés pendant la période des fêtes de la San Fermin : 60€ pour un lit en dortoir… Déçus, nous nous rabattons sur un camping à l’écart de la ville, où l’eau bien fraîche de la piscine fera office de cryothérapie low-cost.

Après Pampelune, nous avions prévu de suivre le Camino Frances, la voie « classique » du chemin de Saint-Jacques côté espagnol. Le chemin est principalement constitué de pistes et chemins roulants, qui sur le papier semblent être exactement ce que nous recherchons. Malheureusement, le chemin est bondé de marcheurs venus du monde entier, formant un flux ininterrompus de pèlerins qui nous souhaitent joyeusement un « buen camino » lorsque nous nous arrêtons pour les laisser passer. Nous décidons de finalement nous rabattre sur le bitume. Les discussions des marcheurs nous fatiguent, et à force de devoir nous arrêter nous n’avançons pas. L’écœurement atteint son comble à Roncesvalles, point de départ « officiel » du camino frances. Une rotation ininterrompu de cars amène les pèlerins à l’abbaye où ils passeront la nuit avant d’entamer leur marche. Nous sommes assez surpris de la diversité de profils parmi les marcheurs. Quelques randonneurs aguerris, des « true » pèlerins hirsutes et austères, mais aussi et surtout de nombreux « touristes », qui pour beaucoup semblent n’avoir jamais fait de randonnée, en témoigne notamment l’extrême saleté des bords de chemin, bien loin de l’éthique « leave no trace » des puristes de la montagne. Le camino frances nous laisse une impression de Disneyland de la randonnée : une véritable industrie touristique très lucrative, bien loin de la quête spirituelle qu’il est sensé représenter. C’est d’ailleurs ce que nous confirment des marcheurs partis de France que nous avons croisés à Pampelune : si en France « l’esprit du chemin » existe encore, il semble avoir totalement disparu en Espagne.

Arrivés à Saint Jean Pied de Port, la lassitude s’installe. La population, à la fois plus dense et plus étalée qu’en Espagne rend les routes plus fréquentées. Les retrouvailles avec les automobilistes français nous laissent nostalgiques de leurs homologues espagnols. Nous décidons de rouler vite jusqu’à la côte, pour profiter de la mer une dernière fois avant le retour à la maison. Nous avons oublié de remplir nos bidons en partant le matin, pensant trouver de l’eau facilement. Un mauvais choix d’itinéraire par une petite route qui ne fait qu’enchaîner les montées et descentes très raides combinées à la chaleur très lourde nous épuise. La déshydratation, une crevaison et l’impression de ne pas avancer entament notre moral, jusqu’à ce qu’un véritable « trail angel » remplisse nos gourdes d’eau bien fraîche. Arrivés sur la côte, déception : malgré la basse saison touristique, les Brice de Nice allemands et hollandais sont toujours aussi nombreux. Nous vidons quelques bouteilles de cidre sur la plage de Lafitenia et profitons de notre dernier bain de mer. La boucle est bouclée, il est temps de rentrer.

Tour du Pays Basque – La côte

Ongi etorri. Bienvenue en Euskal Herria, pays de la langue basque.

Après 8h de train et des correspondances pleines d’adrénaline, nous arrivons à Bayonne avec des fourmis dans les jambes. A peine les vélos remontés sur le quai de la gare et nous voilà partis, direction Saint-Jean-De-Luz. Nous suivons la Vélodyssée, longue piste cyclable longeant la côte Atlantique de Roscoff à Hendaye. La voie est partagée avec les piétons : le dernier dimanche d’août à l’heure du retour des plages, sans grande surprise, c’est une purge. Mais les paysages, bien que très urbanisés, nous donnent un avant-goût plutôt engageant de ce qui nous attends pour les jours à venir. Une pinte de cidre sur la plage de Lafitenia face au soleil couchant nous confirme que maintenant, les vacances peuvent commencer.

En temps normal, une passerelle permet de traverser la Bidasoa entre Hendaye et Irun pour passer la frontière espagnole. Mais le variant Delta est bien installé et les autorités craignent une quatrième vague. Il faudra passer par l’ancien poste frontière, gardé par un seul agent français, complètement débordé face à des migrants d’un jour inquiets. Les règles sont floues, et l’atmosphère tendue nous rappelle que nous vivons encore une situation inhabituelle qui peut dégénérer du jour au lendemain. Nous croisons les doigts. Nous ne le savons pas encore mais heureusement, le pic de la quatrième vague est déjà passé et le second passage de la frontière deux semaines plus tard se fera de façon beaucoup plus détendue. Le contraste entre les deux rives de la Bidasoa est saisissant : au nord, une agglomération touristique très huppée. Au sud, des boutiques de tabac et alcool à bas prix alignés le long de la  frontière et une ville à l’urbanisme peu engageant. Nous traversons Irun rapidement pour arriver au magnifique cap de Higuer, point de départ de trois célèbres itinéraires de randonnées espagnols : la transpyrénéenne (GR11), la route du flysch (GR121) et le Camino del Norte, variante littorale réputée la plus belle et la plus difficile parmi les différents itinéraires du chemins de Saint-Jacques de Compostelle. C’est le chemin que nous suivrons en partie les prochains jours.

Sur le Camino del Norte

Notre première nuit en Espagne au camping du cap de Higuer est épuisante. On a plus l’impression d’être dans un camping de festival qu’au départ du GR11 : plusieurs groupes autour de nous passent la nuit entière totalement ivres à chanter, hurler des « joder », « maricon » et autres jolis mots. Heureusement que nous sommes arrivés un lundi et pas le weekend. Un peu déçus et très fatigués, nous décidons que nous bivouaquerons au maximum sur la côte pour éviter de réitérer ce genre d’expérience.

La traversée du Jaizkibel efface ce mauvais souvenir. Les petites pistes tranquilles avec vue sur les Pyrénées d’un côté et l’Atlantique de l’autre, c’est ça que nous aimons. Surtout quand au bout d’une longue descente raide nous arrivons sur une crique magnifique, où deux arbres semblent avoir été plantés exprès pour que nous y attachions nos hamacs pour notre première sieste espagnole. Le rythme est déjà pris.

Fin d’après-midi, il faut repartir. Nous embarquons nos vélos sur la barque qui fait la navette entre Pasaia et San Sebastian. Sur la carte, nous avons repéré une colline boisée à proximité de la station balnéaire la plus huppée d’Espagne, résidence d’été de la famille royale. Nous aurions du nous en douter : nous sommes beaucoup trop près de la ville. Il s’agit en fait plutôt d’un parc urbain, entouré de villas cachées derrière de grands portails d’où sortent des voitures très chères. Des coureurs, cyclistes et promeneurs passent devant nous toute la soirée. Nous trouvons un endroit caché sous des arbres et une fois la nuit tombée, nous montons la tente. Premier bivouac du voyage et un des plus improbables. Le deuxième bivouac improbable sera celui d’Orio, le lendemain soir. Après un peu de recherche, nous trouvons finalement un des rares endroits plats et cachés du secteur. L’autoroute ne passe pas très loin, mais tant pis. Mauvaise pioche : à minuit, des gens s’installent à quelques mètres de nous et sortent bouteilles et enceintes bluetooth. Ils ne nous voient pas, mais nous les entendons. Au bout d’un moment, comprenant qu’ils ne sont pas près de partir, nous préférons ranger la tente et décamper. Nous finissons la nuit dans nos hamacs, quelques centaines de mètres plus loin.

Les jours suivant sur la côte, nous roulons finalement beaucoup sur du bitume. Le camino del norte est souvent impraticable avec nos vélos lourds et chargés : beaucoup d’escaliers notamment, que nous sommes obligés de contourner. Mais la conduite très détendue et respectueuse des automobilistes espagnols, la bienveillance des gens que nous croisons et les pauses baignades quotidiennes rendent le voyage très agréable. Les villages et petites villes côtières se succèdent : enfants qui escaladent les bateaux de pêche pour sauter dans l’eau, chantiers navals, conserveries : la mer fait vivre du monde par ici, et pas seulement par le tourisme.

Après Ondarroa, la région devient vraiment rurale. La route côtière, pratiquement vide de voitures, sinue à travers des forêts d’eucalyptus. A Lekeitio on nous prévient : pour aller à Guernika, il ne faut surtout pas suivre la route côtière, beaucoup trop dure ! Mieux vaut rouler sur la route principale, par les terres, ça va plus vite et c’est plus plat. Oui mais nous on veut voir Ea et Elantxobe. On veut se baigner encore une fois, à la plage de Laga. On veut vérifier si la ria de Mundaka est aussi jolie en vrai que sur la carte. Alors tant pis, on y va. On arrive à Ea au petit matin alors que la ville appartient encore aux chats et aux pêcheurs à la ligne. C’est dimanche, les joueurs de pelote s’échauffent et un marchand ambulant déploie son étal de gâteaux basques, miels et confitures de pays pendant qu’une file se forme à l’unique boulangerie. Après avoir fait le plein, nous entamons l’ascension de la fameuse côte qui faisait si peur aux gens de Lekeitio. Nous la gravissons sous les encouragements des riverains matinaux qui descendent au village. Puis nous redescendons à Elantxobe, à Laga et nous remontons la ria de Mundaka jusqu’à Gernika où nous embarquons nos vélos dans un train de banlieue, direction Bilbao.

Bilbao

On nous avait présenté Bilbao comme une ville industrielle en déclin posée au milieu d’un immense bassin minier. Pas très vendeur. La métropole de plus d’un million d’habitants (environ un quart de la population basque) est bien une des plus grandes d’Espagne, mais sa ville centre a su se relancer dans les années 90 suite à la construction du musée Guggenheim. On parle d’ailleurs d’effet Bilbao pour décrire ce phénomène de villes moroses qui réussissent à retrouver une dynamique grâce à un bâtiment prestigieux. Nous n’avons pas visité ce temple de l’art contemporain. Peut-être à tort, mais les sollicitations faites aux passants de faire des dons pour entretenir Puppy, la statue de Jeff Koons, l’un des artistes les plus riches du monde, m’ont écœuré. C’est l’illustration parfaite d’une certaine forme d’art contemporain que je n’apprécie pas. Heureusement en dehors de ce musée, il y a plein de choses à découvrir à Bilbao pour occuper notre journée de repos. En terme de paysage urbain, la ville évoque plus l’Europe du Nord que l’Espagne avec ce fleuve canalisé entouré de tours de verres entre lesquelles passent des péniches chargées de matériaux de construction et autres marchandises. Les quartiers populaires aux vieilles façades décrépies et aux rues animées sont immédiatement juxtaposés à des quartiers modernes où les banques et les hôtels luxueux partagent l’espace avec des malls à l’américaine. Comme en Europe du Nord, on y trouve des food courts et des biergartens. Bilbao, capitale hipster de la péninsule ibérique ? Mais comme nous sommes en Espagne, justement, dans ces food courts on y sert du vin, des pintxos, des tartas de queso et des tommes de brebis de tous âges. Les bars regorgent également d’une offre bon marché et généreuse et nos craintes de ne pas trouver à manger un dimanche soir sont vite dissipées. Notre escapade se transforme en tournée des bars, nous rentrons à l’hôtel tard et bien éméchés. Peut-être pas la meilleure manière d’entamer une étape de repos…

Mon appareil photo étant tombé en panne la veille du départ, toutes les photos de ce voyage on été prises avec un compact argentique ou avec mon téléphone.

Suite de l’histoire ici.

Cap Vert – Tarrafal de Santiago

Santiago est l’île la plus grande et la plus proche des côtes africaines. C’est ici que se trouve la capitale, Praia (qui veut dire plage, plutôt sympa comme nom de ville). De ce que nous avons pu voir, la population est moins métissée qu’à Santo Antao et Sao Vicente, et l’ambiance carrément plus africaine. On s’entasse dans des minibus au milieu des mamans en boubou avec des poules sur les genoux, les gens parlent (très) fort et conduisent (beaucoup trop) vite… ça change de l’ambiance douce et paisible des deux précédentes îles.

Nous avions prévu de passer une semaine à Santiago, mais une annulation de vol nous a contraint à restreindre notre séjour sur cette île. Nous avons donc du nous contenter de 2 jours à Tarrafal, petite station balnéaire du nord de l’île où les touristes européens cuisent sur le sable blanc au milieu des vendeuses de noix de coco et des rastas en slip de bain qui enchaînent les jongles à la brésilienne mieux que Ronaldinho.

La minute historique : le bagne de Tarrafal

A l’époque de la colonisation portugaise (jusque dans les années 70), Tarrafal était tristement connu pour son bagne. L’emplacement avait été choisi pour ses paysages arides sensés déprimer les prisonniers et leur passer l’envie de s’enfuir. Des opposants au régime et des anticolonialistes principalement africains y étaient parqués dans des conditions terribles : aucun accès à l’hygiène, aux soins, alimentation infame et insuffisante, châtiments atroces, chaleur insoutenable sous les toits de tôle… Tout était fait pour que les prisonniers meurent de « mort naturelle », emportés par les épidémies. Après l’indépendance, le bagne a été recyclé en caserne, puis abandonné et squatté, avant de devenir un musée.

Le village et la plage

A vrai dire Tarrafal est plus une petite ville qu’un village. On y trouve un grand marché couvert, qui vend surtout du textile africain et des bricoles du quotidien. Comme dans toutes les villes que nous avons visité, on trouve également de nombreux commerçants chinois, et des petits supermarchés à l’européenne. Mais le gros atout de Tarrafal d’un point de vue touristique, c’est surtout sa plage de sable blanc abritée des alizés, ses cocotiers et son port de pêche très animée. D’ailleurs ce n’est pas pour rien que des pêcheurs se sont installés ici : sous l’eau, ça grouille de vie. Nous avons logé à la pensao Sol y Luna, dans une chambre assez basique mais c’était trop chouette de prendre le petit déjeuner sur la terrasse du restaurant au bord de la plage. Le soir nous avons assisté à un concert de batuku, un autre style musical du Cap Vert, moins connu et beaucoup plus rythmé que la morna de Cesaria Evora. En bref, Tarrafal était l’endroit idéal pour terminer de façon plus que décontractée notre voyage.

La route de Tarrafal à Praia

De nombreux minibus relient Praia et Tarrafal. C’est une expérience assez unique : tout le monde s’entasse au milieu des sacs de riz et des poules, et on sert les fesses dans les virages. Nous sommes descendus à Assomada, un peu parce que c’était jour de marché et qu’on voulait voir ça, et aussi beaucoup parce qu’on espérait avoir un chauffeur plus détendu sur la deuxième partie du trajet… Mauvais pari, c’était encore pire !

Le marché d’Assomada est plutôt folko. De ce qu’on a pu voir, on y vend surtout des meubles (en tout cas le jour de notre passage). L’intérêt réside surtout dans les abords du marché, où des petites échoppes servent de la cachupa et de la feijoada (sortes de cassoulet cap verdien). Des bouchers exercent leur métier au bord de la route, où des cochons se font découpés au milieu des passants et des voitures et des poules qui courent dans tous les sens.