Le Salvador est le plus petit pays d’Amérique centrale, et s’il a connu une période difficile tout le long du vingtième siècle, entre tentatives de révolutions réprimées dans le sang, guerre coloniale contre les Etats-Unis et plus récemment affaissement de l’état face aux maras, gangs centro-américains ultra-violents à la réputation sulfureuse, il connait depuis quelques années un nouvel essor incarné par son très populaire président Nayib Bukele, auto-proclamé « dictateur le plus cool du monde » qui a réussi a ramener la sécurité au prix de quelques entorses aux droits de l’homme.
Les échos récents que nous avions eu du Salvador de la part d’autres voyageurs le qualifiaient souvent de « bonne surprise d’Amérique centrale », un pays dont on n’attend rien et qui s’avère finalement plaisant. On nous a souvent vanté les plages magnifiques, la gentillesse des salvadoriens et la qualité des pupusas, leur délicieux plat emblématique : sorte de beignet de maïs farci au fromage, aux haricots et à toute sorte de choses et accompagné d’une salade de carottes et choux fermentés évoquant un hybride de choucroute et coleslaw.
Tout ceci attisait notre curiosité. Mais après un mois intense et pas toujours facile au Guatemala et la date butoir pour notre arrivée en Colombie approchant, nous avions hâte d’avancer, d’enquiller les bornes et d’arriver au Nicaragua, dont on nous avait également vanté les douceurs et qui nous attirait davantage. Nos retrouvailles avec Zach la veille de notre entrée au Salvador, que nous avions rencontré au sommet de l’Acatenango, achevèrent de nous convaincre de ne pas trainer en route. En effet Zach avait rendez-vous au Panama, et nous avions envie de rouler ensemble au moins jusqu’au Nicaragua. Notre traversée du Salvador a donc été assez express, mais pourtant suffisante à mon avis pour avoir un aperçu du pays. Tracer n’est pas toujours zapper : le contact facile avec les Salvadoriens, et notamment avec ceux exilés aux Etats-Unis de retour au pays pour les vacances de Noël ont été particulièrement intéressants. Ils nous ont raconté leurs histoires, et comme souvent depuis le Mexique, ce sont des histoires de fuite, de violence et de pauvreté, agrémentées de success-stories typiquement américaines. Nombre d’entre eux n’étaient pas revenus dans leur pays depuis de nombreuses années, effrayés par sa violence et aujourd’hui vantent sa sécurité : le pays le plus sûr du monde, paraît-il. Je ne sais pas à quel point c’est vrai, mais ce qui est certains c’est que le Salvador est probablement le pays d’Amérique Centrale dans lequel nous nous sommes sentis le plus en sécurité, et le seul où nous ayons bivouaqué. Les villes non touristiques d’Amérique centrale, quelque soit leur taille, sont parfois un peu brutes : souvent pas très belles, bruyantes, et où tous les regards sont pointés vers nous, seuls blancs du coin. C’est le cas aussi au Salvador, mais nous y avons retrouvé cette curiosité bienveillante auquel le Mexique et le Belize nous avaient habitués, et qui manquait parfois un peu au Guatemala où les regards pouvaient être plus méfiants, ou peut-être simplement plus timides.
Surf et bitcoins
Si les plages du pays sont effectivement belles, ce ne sont pour autant pas les plus belles que nous ayons vu en Amérique centrale, et je crains que cela ne se dégrade. Le pays mise son développement sur deux projets : Surf City et Bitcoin City.
Surf City consiste à faire de sa côte nord-ouest, jusqu’à il y a quelques années plutôt sauvage et arpentée par des surfeurs très roots fuyant les plages surpeuplées, en un nouvel eldorado du surf haut de gamme, à l’image de ce qui existe déjà aux Etats-Unis, au Costa Rica, dans certains coins du Mexique. Un mélange de resorts, villas à plusieurs centaines de milliers de dollars et plages privatisées.
Bitcoin City est un autre projet visant à développer l’économie du sud du pays, consistant (d’après ce que j’en ai compris) à utiliser l’énergie des volcans pour « miner du bitcoin », monnaie virtuelle officiellement en usage dans le pays. L’idée étant de transformer la petite ville tranquille de La Union en une grande métropole moderne.
Et pour rendre ces projets possibles, le gouvernement offre la possibilité à de riches investisseurs étrangers (principalement états-uniens) d’acquérir une propriété et le titre de résident sans payer de taxes, en contrepartie de leurs investissements dans l’économie locale. Donald Trump, ami et modèle du président Bukele a été l’un des premiers à franchir le pas et montrer l’exemple. Je comprends complètement que ce projet fasse rêver les salvadoriens, qui sortent d’un siècle de pauvreté et de violence et voient enfin la possibilité de ne plus vivre dans la peur et de se construire un futur. Mais j’ai du mal à y croire… Je crains que comme partout ailleurs en Amérique centrale, ce ne soit qu’une nouvelle forme de colonialisme, où les seuls vrais gagnants de l’histoire seront les investisseurs étrangers, et où la population locale gagnera autant en sécurité et niveau de vie qu’elle ne perdra en liberté et en souveraineté.
Honduras
Il existe une certaine hystérie par rapport au Honduras parmi les voyageurs à vélo. Certains décident de payer une fortune pour traverser le golfe de Fonseca en bateau, pour passer directement du Salvador au Nicaragua, par crainte de traverser ce pays. Pourtant, la criminalité est surtout concentrée dans les grandes villes et les ports, à certains passages frontaliers avec le Guatemala et le Nicaragua et dans les régions très reculées du nord-est. Mais comme dans tous les pays « dangereux », si l’on respecte certaines règles et évite certains endroits, on réduit fortement les risques.
Nous n’avons pas traîné au Honduras, par manque de temps, mais en dehors des passages de frontières interminables et sous-dimensionnés, nous avons plutôt apprécié le peu que nous en avons vu. Les routes nous ont parues plus sûres qu’au Guatemala ou au Costa Rica, loin des longues files de camions et des véhicules à contresens que nous imaginions (et que nous avons vécu au Guatemala). Les paysages étaient également plutôt jolis. Nous avons privilégié de passer notre seule nuit dans le pays avec la Croix Rouge de Nacaome, petite ville (ou plutôt grand village) tranquille, où nous avons eu le luxe d’un lit dans une chambre climatisée et où nous nous sommes sentis en sécurité même sur le marché. La population nous a semblé accueillante et bienveillante, comme au Salvador. Bien sûr nous n’avons pas trainé dehors après la nuit tombée, et nous avons roulé tôt le matin, surtout pour éviter la chaleur et un peu aussi pour éviter les vaguitos (terme d’usage courant en Amérique latine qu’on pourrait traduire par « zonards »). Nous n’avons pas traversé de grande ville, le seul point chaud sur notre route étant Choluteca, que nous avons contourné.
Est-ce que je passerais plus de temps au Honduras ? Pourquoi pas, mais bien sûr en étant prudent et en m’informant bien de la situation en temps réel avec les locaux, qui sont toujours les plus au courant. Et comme pour le reste de l’Amérique centrale, peut-être pas à vélo.
Cet article vous a plu ? Le prochain racontera notre séjour au Nicaragua, probablement le pays que nous avons préféré en Amérique Centrale.
À bientôt !
2 réponses sur « Salvador et Honduras »
La photo des chatons avec Elisa a fait le bonheur de la fille.
Des belles photos et toujours le plaisir de vous lire
Merci !
(Ce sont des chiots 😉)